Pour rappel pour ceux qui débarquent inopinément sur ce billet (en cherchant « publish or perish » sur google peut-être ?), Flattr est un système de micro-paiement et de mécénat utilisable pour récompenser le contenu qu’on trouve sur internet. Ca se matérialise par un bouton quelque part sur la page (dans mon cas, un bouton pour le billet en bas à gauche de celui-ci et un bouton pour le blog sur le menu en haut à droite). On peut l’utiliser pour monétiser n’importe quoi sur le net : des pages web, de la vidéo, des images, de la musique, des commentaires sur d’autres sites. Il « suffit » que le récipiendaire ait un compte sur le site Flattr. Pour en savoir plus sur le principe et ses conséquences, je vous invite à consulter le gros billet que j’ai déjà fait sur ce blog : Flattr = mort de la publicité en ligne ? Je pensais avoir fait le tour du système lors de ce billet mais à l’usage, je peux désormais souligner quelques défauts de fabrication.
Rentrons dans le détail :
Il y a trois niveaux « opérationnels » de rémunération (pour ceux qui connaissent, je ne parlerai pas du flattrage de compte twitter, c’est autre chose) :
- on peut rémunérer le titulaire du compte Flattr, par exemple le compte de Korben qui représente en gros toute son œuvre (son blog, son wiki, son forum, etc.). On peut le flatter clic par clic (à ce jour, il en a reçu 6) ou en faisant un don plus conséquent (de 2€ minimum, prélevé sur notre cagnotte Flattr).
- Il y a ensuite la possibilité de rémunérer, par clic, un site dans son intégralité, exemple le blog de Korben qui a reçu énormément de clics parce qu’il a longtemps utilisé seulement ce niveau de rémunération.
- Enfin, un niveau qui dérive du premier, c’est la rémunération, toujours au clic, du contenu à l’unité : un billet (exemple de billet flattrable pour Korben), un commentaire, une vidéo, etc.
Au début, je voyais en cette variété de niveaux un système équitable qui permettait au « flattreur » que je suis de rémunérer à la fois uniquement et tout ce qui l’intéresse vraiment. Mais maintenant, je pense que ça participe encore plus à rendre le tout toujours plus concurrentiel : chaque mois, les donateurs proposent une somme fixe qui sera répartie équitablement entre les clics réalisés sur les contenus « flattrables ». A moins d’augmenter encore et encore cette somme fixe, les bénéficiaires (c’est à dire ceux qui font du contenu digne de recevoir une rémunération, pas seulement ceux qui mettent un bouton) ne peuvent compter que sur cette somme et se la partager : plus il y a de bénéficiaires, moins ils reçoivent. Dans l’article que je cite plus haut, ma principale critique de Flattr était que ça participait à une forme d’élitisme : les meilleurs producteurs de contenu sortent mieux sur le site de Flattr et cette meilleure visibilité leur permet de vampiriser un peu plus de revenus Flattr qu’ils ne le méritent. Ajoutez à ça un esprit grégaire qui fait qu’on flattre plus facilement quelqu’un qui a du succès et je pense qu’au final seul un petit pourcentage des bénéficiaires reçoivent le plus gros pourcentage des revenus Flattr. Je pense qu’on peut lutter contre ce biais grâce aux listes de flattrages que certains pratiques ici et là, ça donne une autre visibilité à ceux qui le méritent.
Bref, je m’égare, on va simplifier et revenir à ce que j’ai dit plus haut et dire que seuls ce qui le méritent reçoivent une rémunération Flattr, sont des bénéficiaires. Avant de me perdre, je voulais dire que, nonobstant cet élitisme, le nombre de donateurs évolue probablement proportionnellement au nombre de bénéficiaires (plus Flattr est connu, plus il y a de bénéficiaires/donateurs. Plus il y a de donateurs, plus il y a de bénéficiaires qui s’y mettent. Plus il y a de bénéficiaires, plus il y a de donateurs, etc. Peut-être même que le nombre de bénéficiaires augmente plus vite que le nombre de donateurs mais ce serait pessimiste de dire ça et je n’ai rien pour le confirmer) et qu’au final, la taille de la part du gâteau que chacun se partage ne doit probablement pas beaucoup prospérer au fur et à mesure que le système se développe. Pour gagner plus, il faut donc rogner des parts aux autres. Si on peut fragmenter et multiplier le contenu (un billet = un bouton), à chaque billet, on génère une nouvelle part dans le système. Si tout le monde ne fait pas ça, il y a inégalité entre ceux qui publie un contenu par bouton Flattr (ex : un bouton par article) et ceux qui publient plusieurs contenus par bouton Flattr (ex : un bouton par site voire un bouton par personne). Autant les seconds peuvent être taxés de relative naïveté (mais il suffit de peu pour qu’ils retournent la situation, un clic dans les réglages d’un plugin), autant les premiers peuvent abuser le système par exemple en créant un nouveau lien/bouton à chaque mise à jour d’un article (on rajoute quelques lignes, on crée un nouvel billet et une nouvelle URL avec son bouton Flattr, quelques lecteurs donateurs cliqueront peut-être dessus alors qu’ils l’avaient déjà fait lors de la première version de l’article). Ou encore, au lieu de faire une revue web avec par exemple 10 liens chacun plus ou moins brièvement commentés, faire un billet par lien en brodant autour (ou pas… ^^’), on se retrouvera peut-être avec peut-être cinq clics par donateur au lieu d’un seul.
Ajoutez à ça le fait que le clic a un prix plancher. Surement un prix plancher officiel (0.01€ ?) mais certainement un prix plancher subjectif (personnellement même si en théorie ça ne devrait pas me déranger de descendre jusqu’à 0.01€, j’ai un peu de mal et je ralentis mes clics autour de 0.05€. Mes bénéficiaires de début de mois sont favorisés par rapport à ceux de la fin du mois).
L’auteur peut donc fractionner son contenu pour obtenir plus de parts par rapport à ceux qui ne le font pas. Pour être rémunéré correctement avec Flattr, l’auteur doit donc publier en quantité, déterminer la quantité minimale de contenu nécessaire par article pour maintenir sa rémunération « unitaire ». Peut-être même qu’il faudrait qu’il fasse en sorte de publier en quantité en début de mois puis densifier vers la fin pour décrocher les clics difficiles. Ça me déprime de raconter ça… Ce genre de calculs de profits se fait déjà ici et là mais j’ai l’impression que si Flattr se popularise, cette optimisation vidant un peu plus les contenus de leur substance deviendra une règle de survie. Publish or perish (publies ou péris).
J’espère que je n’ai pas enfoncé trop de portes ouvertes dans cet article. J’espère aussi que j’ai tort, j’ai fait quelques suppositions, il se peut que je me plante. Ceci dit même si j’ai raison, le système peut évoluer. Déjà en attribuant non pas un clic mais directement une somme. C’est déjà possible de faire un don Flattr mais c’est 2€ minimum, trop gros, c’est plus du micropaiement. Je trouve que ça responsabiliserait plus le donateur de décider précisément ce qu’il donne à chacun plutôt que de découvrir ça dans le rapport mensuel de Flattr. Finalement, ces clics, ces flattrages sont des concepts intermédiaires qui, tels des points xbox ou la monnaie artificielle de certains parcs d’attraction, nous font presque oublier que c’est une histoire de rémunération, d’euros. Peut-être que certains ont besoin d’être enfumés de cette manière pour les inciter à lâcher une pièce mais je pense que c’est une mauvaise idée.
Ce mois-ci, c’est mort mais je pense que dès le mois prochain, je flatterais plutôt les gens plutôt que leurs billets. Quant à moi, je suis clairement un donateur, je n’ai pas besoin d’être rémunéré pour mon blog de loisir et je crois que je ne vais conserver que mon bouton de blog par militantisme et pour être cohérent avec ce que je viens de raconter. A plus long terme, si Flattr ne change pas, je crois que je l’abandonnerai pour une autre forme de mécénat même si ça me fait royalement chier de n’avoir que Paypal ou Moneybooker comme alternative de « micropaiement »…