L’Art français de la guerre de Alexis Jenni

A vue de nez, cet ouvrage est tellement connu qu’il n’y a, a priori, pas besoin d’une énième critique. Je vais donc le faire pour mon entourage et donc me permettre d’en faire le synopsis alors qu’il figure déjà sur la page dédiée sur Babelio.

 

Le récit de ce roman commence au début des années 90 quand la première guerre de l’Irak est en route, le narrateur principal relate sa morne existence à Lyon qui mène à une rencontre capitale avec Victorien Salagnon, un ancien combattant qui erre lui aussi désœuvré dans le même écosystème. Un prétexte pour faire connaissance, le dessin et la peinture chinoise dont Salagnon semble être un maitre ou du moins un fervent adepte. Le narrateur est avide d’apprendre et Salagnon ouvert à cette proposition. En guise de paiement pour cet apprentissage, le narrateur s’engage à écrire les mémoires militaires de Salagnon et c’est là que le bouquin commence : c’est une alternance entre les états d’âme contemporains du narrateur et le récit du destin de Victorien Salagnon.

 

Les « commentaires » contemporains me font penser, attention je vais me faire flammer, aux tribulations du narrateur de Voyage au bout de la nuit. Pas au niveau du style mais dans le genre safari urbain (« urbex » comme on dirait maintenant ^^) entrainant toute une logorrhée sur les réflexions de ce touriste social à propos de ce qu’il contemple. Dans la seconde partie, c’est donc l’histoire de Salagnon de son adolescence pendant l’occupation allemande jusqu’à la fuite des pieds-noirs d’Alger dans les années 60 en passant par la guerre d’Indochine.

 

Maintenant, ce que j’en pense. Sur la forme, le style en lui-même, ce n’est pas la révélation (comme celui de Céline justement) mais ce n’est pas non plus simpliste comme la plupart de la littérature de genre que je me tape en parallèle (SF, fantasy, etc.). Ce n’est pas non plus la complexité de Proust ou Faulkner. Personnellement, j’ai savouré la partie biographique de Salagnon peut-être plus simple que la partie sur les réflexions contemporaines que j’ai trouvée parfois non pas absconse mais parfois mal articulée. J’ai eu parfois l’impression « d’écouter » les digressions de quelqu’un qui parle en même temps qu’il réfléchit sur un sujet, quelque chose de saccadé, qui manque un peu de structure. Je pinaille, hein, je prends quand même : c’est au-dessus de la plupart de ce que j’ai pu lire jusqu’alors mais je ne n’irais pas jusqu’à dire « Je lis du Jenni » comme j’aurais voulu dire un jour « Je lis du Faulkner » (parce que c’est encore au-dessus de mes moyens intellectuels :/).

 

Sur le fond, le récit sur Salagnon, les réflexions du narrateur même si ce sont deux choses différentes (même si elles se rejoignent à la fin), je les ai appréciés. Le narrateur, je le rejoins sur sa manière de voir les choses, sur ses conclusions probablement parce que je lui « ressemble » (ethniquement, politiquement, « générationnellement »), que je vois la société à travers le même prisme contrairement à Salagnon, Mariani et Eurydice. Puis accessoirement, actuellement, je souffre presque de ne pas savoir dessiner et, avec la pourriture colonialiste, le dessin et la peinture sont un des fils rouges de tout le livre. C’est un hasard complet, je ne savais pas que ce livre allait parler de cette activité mais ça m’a permis d’entrer en quelque sorte en résonnance avec le narrateur. Et la guerre ? Ce qui m’a attiré vers ce livre. Je m’intéresse à la seconde guerre mondiale, aux français de la seconde guerre mondiale, etc. J’en ai eu un peu, le minimum syndical. Ceci dit, plus on lit à propos d’un sujet précis et moins on en apprend. On apprend toujours un truc nouveau, une information inédite, un point de vue inédit. J’ai plutôt découvert l’ambiance de Lyon qu’autre chose. En revanche, il faut un début à tout mais j’ai découvert la guerre d’Indochine et la guerre l’Algérie. D’accord, j’en avais déjà entendu parler (au lycée) et il n’est pas possible de ne pas connaitre un pied-noir mais jusqu’à maintenant, je ne m’y étais pas intéressé. Probablement parce que je n’ai personne de ma famille qui a été impliqué directement dans ces guerres (à ma connaissance, notre dernier soldat a combattu en 1945). Bref, ces récits me semblent un bon début, ils m’ont ouvert l’appétit et peu après, je discutais auprès d’une collègue pied-noir sur ses souvenirs de l’époque. La machine à lire est relancée, la liste de films sur l’Indochine est établie, les autres anciens d’Algérie repérés. L’art français de la guerre fut donc pour moi un livre qui me donne envie d’en savoir plus, qui me donne envie de lire. Ce ne fut pas la révélation du siècle, un incontournable mais ça reste pour moi une lecture recommandable.

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